Pour un lecteur, acheter des livres est le premier des plaisirs avant même celui de la lecture.

Un achat, c’est une promesse.

L’achat d’un livre est même le plus prometteur de tous.. En un mot, feuilleter, lire des passages dans une librairie, on n’est jamais sûr de ce que ça donnera quand on lira chez soi.

Un livre, ça n’est pas comme un vêtement. « Le monde et son pantalon » de Samuel Beckett n’est pas comme un pantalon de Margiela. Le pantalon, on l’a essayé. Le Beckett - même Beckett ! - on n’est pas sûr que, arrivé chez soi, il nous aille. Et c’est justement un des plaisirs de l’achat des livres cette incertitude.

Une librairie est une grotte et le client de la librairie un explorateur. Les clients d’une librairie ont le même air pensif - je dirais même recueilli - que les explorateurs. Ils font une chose sérieuse et incertaine et puis, comme tout ça est aussi une question de plaisir, le client finit par devenir déraisonnable. Venu pour acheter un livre, il en achète deux, quatre, six… Et c’est très joyeux cet excès. L’acte d’acheter y acquiert de la fantaisie car ceux qui achètent beaucoup de livres ne le font pas nécessairement pour les lire. Sur les six, on en lira un, on en oubliera un autre dans une pile et un autre encore sous un lit…

On achète aussi pour se constituer un château fort imaginaire. Un livre, ça nous protège contre la vulgarité permanente de la vie pratique et c’est ainsi que les choses de l’esprit sont plus solides que les choses de la matière dont elles ont traversé les obstacles…


France-Culture, Secret Professionnel (29ème)
Samedi 17 mars 2012, en direct du Salon du Livre.



Merci de nous rendre visite car la fréquentation du site de Rue des Scribes est bien loin de ressembler à celle d'Amazon ! Vous allez pouvoir consultez notre catalogue et peut être même passer commande...

La Rue des Scribes a été créée en 1984, il y a déjà 40 ans. Plus qu'une génération !... Une aire géographique et culturelle de prédilection : la Bretagne ! Les premières éditions étaient des reprint de monographies locales et de recueils de contes et légendes... puis, petit à petit, de vraies éditions ont vu le jour. D'abord en histoire à la faveur du Bicentenaire de la Révolution Française ... puis, à partir de 1990, de beaux livres de photographies ... et enfin, à partir de 1993, des adaptations en parler gallo des aventures de Tintin ! Déjà plus de 35 ans pour une aventure passionnante, passionnelle et passionnée... mais non moins fatigante et déconcertante ! A peine 80 titres, de beaux mais rares succès... de belles et fréquentes galères... Un souci permanent : équilibrer pour continuer ... continuer pour équilibrer ...

En 2017, 1311 (703 en 2004) nouveautés ont été publiées chaque semaine en France (dont 20% en format poche), soit 186 nouveautés par jour (journée de 8 heures)... plus de 20 par heure ... Tout le catalogue de Rue des Scribes pendant 40 ans représente tout juste 3,5 heures de production annuelle (5 heures en 2004) ! Pour exposer à plat les 1311 nouveautés d'une semaine de 2017, un libraire aurait eu besoin de 45m² (24m² en 2004), ou de 26 mètres de linéaire (14 en 2004). S'il avait gardé ces ouvrages pendant 3 mois (et rien d'autre !), il lui aurait fallu 515m² (276m² en 2004) ! L'espace nécessaire a quasiment doublé en 15 ans... Et pendant ce temps, combien de librairies ont disparu ? ! Comment mieux illustrer le combat auquel est confronté le livre ? Comment faire connaître un livre qui n'a pas la chance d'être présenté à plat, qui ne sera pas en rayonnage, qu'aucun média n'évoquera ? Qui remarque l'absence d'un livre inconnu ? Comment résister et à quoi résister quand votre commercial est en concurrence avec ceux de Hachette et consorts ?

Chez Rue des Scribes, jusqu'en 2012, le seul permanent était le répondeur téléphonique et depuis 2012, il n'y a même plus ce permanent... pas de magasin pour la vente directe ... pas de carnet d'adresses de relations très bien placées ... Un peu de vente par correspondance et une diffusion en librairie essentiellement sur la Bretagne. Des années sans éditer afin de reconstituer juste assez de trésorerie pour continuer ! Pas facile de se faire connaître tant les vagues sont hautes et puissantes ! L'édition c'est de plus en plus de concentration d'un bout à l'autre de la chaîne : dans l'édition, dans la diffusion, dans la distribution, dans la promotion...

Et il faut faire avec ce mastodonte qu'est Amazon et avec les tarifs démentiels de La Poste. Ainsi, lorsque nous vendons une BD de Tintin en gallo via Amazon, l'acheteur paye 12,99€. Rue des Scribes reçoit 8,65€ et dont il faudra déduire 7,04€ au Tarif Lettre Verte pour expédier la commande à son destinataire. Déduction faite de l'emballage payant, le gain est à peine de l'ordre de 1,00 €...

Malgré ça, chez nous comme chez tant d'autres, noyés dans la masse, on continue à bricoler tant bien que mal avec les miettes qu'on réussit à grappiller ici ou là. Ce n'est pas de la petite édition, c'est de l'archi-micro édition ... !

Qu'importe car, même à notre modeste échelle, nous avons la satisfaction et l'assurance d'avoir contribué à la vie du livre, à l'expression et à la reconnaissance de talents. Le plaisir de rencontres fortes aussi : celles que nous avons eues et celles que nous espérons avoir provoquées entre les lecteurs et les livres...

[Sources :
- Libération [26/05/05]
- http://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Livre-et-Lecture/Actualites/Edition-2018-des-chiffres-cles-du-secteur-du-livre
]
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